Journal 9 – Partir

-Des relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par une alternance entre les extrêmes de l’idéalisation et de la dévalorisation.

J’ai présentement juste le goût de « crisser » mon camp. Il est là à jouer à son jeu, il y a un bon bout qu’il a dit ne finir qu’une quête, sans compter que j’ai demandé de jouer ensemble il y a comme 2 heures.

Je me suis occupée de son fils toute la soirée… lui bien… il s’est pas au moins occupé que j’approche d’avoir internet tant qu’à me mettre en plan.

Je peux pas m’en aller chez nous, parce que c’est rendu mon chez nous. Je suis même pas encore confortable de dire ça de même. Ça fait quelques temps que je n’ai plus de « safe space », ça c’est clair.

Et évidemment, le timing fait bien les choses, je n’ai plus de batteries de rechange parce que j’ai un nouveau cellulaire. Mon ordinateur a besoin de passer sur la garantie depuis 6 mois. Mais j’ai pas les moyens de payer l’envoi.

Je vais aller faire quoi dehors de toute façon…

Je suis allée. Je suis allée faire quoi?

Je suis allée tomber en panne. Donc je suis revenue à pied. J’ai sorti le vieux cellulaire qui marche à peine. Juste pour chanter sur de la musique et ne pas être confrontée au vide.

-Sentiments chroniques de vide.

Parce que c’était ça le pincement intérieur. La boule que je voulais vomir. Le bordel de vide. Je cours pour le remplir.

-Perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image de soi ou de la notion de soi.

Je suis quoi au fond? Bonne question. Je fais quoi? Bon ça, j’en finirai plus d’énumérer.

Je fais.

Et là ce soir, j’avais rien à faire.

Le vide.

Tiens, c’est ça mon « safe place ». C’est ma voiture.

C’est ma sécurité. Ma possibilité de quitter tout inconfort facilement. D’aller mettre la musique dans le tapis. MA musique. De rouler aussi loin que j’ai de l’essence.

En plus, conduire c’est faire. Donc, je m’assure une occupation du même coup.

C’était ça le problème au fond ce soir.

C’est qu’avoir su j’aurais juste quitté, faire quelque chose. Trouver quelqu’un d’autre avec qui m’occuper.

Ne pas penser au vide.

Le vide.

L’état dans lequel je me sens face aux gens quand je veux… en gros, agir normalement.

Les boîtes dans ma tête ont été archivées de façon bien trop grossière. J’ai oublié de sortir les anecdotes normales en cachant la boîte du mois de ma première tentative. Un grand flou de souvenir.

Je vais leur raconter quoi aux gens normaux. Les gens veulent pas entendre comment j’écris les cicatrices sur ma peau…

Je me hais, je mérite du mal

Comportement, gestes ou menaces suicidaires ou d’automutilation récurrents.

Il y a plein de raison de se mutiler. La plupart des gens pensent que c’est pour l’attention, pour faire pitié. Pour ma part, c’était bien le contraire. J’ai porté des bracelets de cuir dans des chaleurs étouffantes même si ma sueur pénétrait mes cicatrices et que c’était douloureux. J’allais le cacher à n’importe quel prix. Mais je n’allais pas arrêter non plus.

Au début, je me coupais. À un moment, je me suis mise à me brûler, et à « entretenir » la plaie à la lame de rasoir.

Une amie a fini par le savoir. Elle en a informé mes parents, qui se sont mis à me surveiller.. Qui ne pouvait pas imaginer, ni comprendre, pourquoi je le faisais.

Je me suis donc mise à me couper à des endroits moins visibles. L’hiver, je le fais sur mes cuisses. L’été, étant donné que les maillots de bain cache peu, j’avais pris l’habitude de me couper le pubis. On vérifiait mes poignets et je passais sous le radar.

Il y a trois raisons qui me poussent à me couper, chacune d’elle découle de l’autre. Chacune d’elle a été apprise par l’expérience de la précédente. Un apprentissage pervers et efficace.

La première, c’est qu’en ayant une douleur physique sur laquelle me concentrée, j’essaie, au moins temporairement, de moins sentir celle qui me prend dans l’entièreté de mon intérieur… Celle qui fait mal depuis trop longtemps, celle à laquelle je n’ai plus de résistance.

Malheureusement, j’ai appris avec le temps que ça me ramène. Ramène à la réalité, au palpable. Ce qui fait qu’en dépersonnalisation, si j’ai un éclair de conscience qui veut revenir, je sais quoi faire.

C’est loin d’être sain et j’en suis consciente. Mais je pense qu’il est difficile, à part si on l’a vécu déjà, d’imaginer la dépersonnalisation.

Journal 7 (Correction)

L’étrangeté du bonheur me déstabilise.

Je connais pas ça. Je ne me connais pas comme ça.

Je ne sais pas sur quel pied danser… comment être.

Et j’ai quand même un peu peur du nuage gris.

Je ne sais pas comment gérer tout ça encore. Beaucoup d’apprentissage de fait, mais aussi beaucoup à venir.

Je suis sortie du refuge. Je prends une chance chez Jo. Vous me diriez que la dernière fois que j’ai fait ça, ça s’est mal passé.

En effet.

Je pense quand même qu’il y a des différences.

Bon, vous me diriez aussi que j’ai dit ça la dernière fois. Mais j’ai quand même été bien accompagnée dans ce cheminement là. Par non seulement ma psychologue, mais aussi une intervenante du refuge.

C’est peut-être pas lui le bon. C’est peut-être pas avec lui que je vais rire toute ridée.

Mais là je ris. Là, je souris.. Pour rien. Pour tout.

Et je pleure un peu encore des fois.

Mais ça fait partie de la complexité de ce bonheur que je comprends pas tout à fait encore. Qui ne m’est pas du tout familier.

Et ça fait profondément du bien.

Journal 8 -Rupture fonctionnelle

Je suis fière de moi.

Avant,  une rupture aurait été un moment très difficile, voir insoutenable.

-efforts effrénés pour éviter un abandon réel ou imaginé ;

Je suis passée à travers de façon fonctionnelle. Ça fait un gros changement.  Normalement la solitude me mange de l’intérieur et le vide m’empêche d’être seule.

Normalement j’aurais pris des actions drastiques pour tenter qu’il me reprenne ou me garde. Le symptôme n’est pas totalement parti. En effet, durant l’annonce de la rupture, j’ai voulu le convaincre de rester. Je pensais l’aimer encore. Je ne voulais pas perdre non plus la personne qui m’avait accompagnée durant une des période les plus difficile de ma vie; et j’avais l’impression que c’était l’épreuve qui nous avait séparée et pas nous. Alors j’ai pleuré et j’ai supplié. Mais 40 fois moins fort qu’avant.

La première réalisation du bien être que je ressens aujourd’hui, c’est mon retour à l’appartement pour prendre mes choses. Seulement 2 semaines de différences et les mouches avaient pris  le dessus sur le petit espace. De la bière partout; à chaque fois qu’on accrochait un meuble, les faisant trembler, elles sortaient de leur cachette en nuages. Le dégoût occasionné aide beaucoup à se détacher et surtout à voir le bien de la rupture. Je me rendais compte avec cela, mais aussi avec la perte du poids du ménage sur mes épaules (le constant effort pour au moins voir le plancher), que ça faisait vraiment du bien.

Mais être borderline, c’est aussi avoir peur de l’inconnu,  de l’instabilité. C’était donc quand même  difficile. Pas parce que je m’ennuyais de la situation, mais parce que j’étais en terrain inconnu, et que ça,  ça me déstabilisait.

Il n’est pas une mauvaise personne, je l’ai aimé énormément. C’est à cause de lui aussi si je suis là aujourd’hui. Il m’a accompagnée, il a appelé les services de secours quand j’en ai eu besoin, et il a affronté beaucoup d’épreuves avec moi. Il a géré des crises à n’en plus finir. Par contre il a 3 grands defauts; qui auraient pu être moins lourds sur une relation sans trouble.  J’en parlerai dans un autre billet, car je dois revenir sur l’année sans écrits.

Donc, je me suis quand même assez facilement remise sur pieds. J’ai la chance d’avoir de très bons amis qui m’ont aidé à quitter le logement et avoir un toit sur la tête. En effet, j’ai besoin, même s’il m’avait offert de rester le temps de me placer, de quitter rapidement. Je me connais, et je connais la maladie. Si je reste, je me tourne le couteau dans la plaie.

Je suis à presque 1 an sans mutilation, je ne vais pas me garder en position de vulnérabilité.

Je suis donc partie rapidement,  je donnais l’adresse d’une amie comme adresse postale. J’habitais chez un autre.

J’étais épuisée.  J’avais la peine de la rupture, la fatigue de l’organisation.

Ça a amené la présence d’un autre « moi ».

 Dans un précédent chapitre, jai parlé de 3 différents moi: la “moi” qui vais bien, la “moi” fonctionnelle et la “moi” dysfonctionnelle.

Cet autre moi, c’est un mélange entre la moi qui vais bien et la moi dysfonctionnelle. Mon humeur est haute la majorité du temps,  mais je fais plein de gaffes. Je ne suis pas concentrée, mon attention est quasi inexistante. Ce qui a mené à mon accident de voiture.

C’est à l’annonce de l’incapacité à la réparer que j’ai explosé. Toute la peine que j’avais eu et la fatigue sont finalement tombés sur moi. Toute la force que j’avais déployée,  j’en voyais la fin. J’étais vidée.

J’ai appelé mes parents.  Mes merveilleux parents.  Ils sont ma force à distance. C’est pour eux que je ne suis pas passée à l’acte à plusieurs reprises. Et c’est eux qui m’aident à me relever à chaque fois.
 
Je me suis relevée.

 je me suis trouvée une chambre avec une collègue d’école fraîchement séparée aussi. On se soutient et on s’entend bien, ça m’aide.

J’ai recommencé les applications de rencontre. J’ai eu quelques interactions, ça faisait du bien. Et là je vois quelqu’un régulièrement. Ça fait du bien. Il me fait du bien.  Je ne pense plus à l’autre, même en nostalgie.

Je suis bien.

Tout blanc, tout noir… tout noir, tout blanc

Le borderline c’est être remplie de vide. Être passionnée d’être enragée. Et être enragée d’être passionnée. C’est d’hair de t’aimer autant. C’est avoir peur de le perdre mais le vouloir pour arrêter d’avoir peur. C’est aimer l’hair. C’est vouloir qu’il reste et qu’il parte. C’est de tout détruire pour qu’il le fasse et le supplier après de rester. C’est de vouloir qu’il m’aime,  parce que moi j’y arrive pas, m’aimer.  C’est de me faire mal parce que je pense que je le mérite et c’est de penser que je le mérite parce que je me fais mal.

C’est d’avoir peur qu’il parte parce moi j’aurais envie de partir… Il me demande pourquoi je veux partir pour toujours. Pour la même raison qu’il veut aussi partir pour toujours.

Puis un jour, quand je reprend le contrôle….

Le borderline c’est que ça me fait mal quand les autres n’auraient pas aussi mal. Mais  c’est aussi d’être empathique et de pas le faire aux autres parce que je sais c’est quoi. C’est d’apprendre à profiter qu’il soit encore là,  mais de savoir qu’il est trop tard.
J’ai repris le contrôle. Il ne sera plus là mais il m’as permis d’être prête pour le prochain. Que ce dernier ne vive pas ce que l’autre  a vécu, que je ne vive pas ce que j’ai vécu.

Je n’ai pas vaincu.  Je me suis trouvée sous la maladie. Je n’ai pas vaincu, ce sera toujours là… c’est simplement devenu constructif. Ça me grandit, ça revient dans les moments vulnérables… mais j’en ai le contrôle.

Le vide peut revenir, les périodes vulnérables peuvent le faire remonter… il faut juste se remettre sur pieds.

Il faut juste espérer et se battre. On ne se bat pas contre la maladie ou contre soi. On se bat POUR soi.

Journal 6

J’ai dû arrêté d’écrire la dernière fois. Trop de méchant en même temps.

mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par l’alternance entre les positions extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation ;

On m’a demandé à quelques reprises si je serais retournée avec lui, en avoir eu l’occasion. Je sais que j’ai affiché de grands symptômes de dépendance. Le concept malsain de ma régularisation de mes émotions se situe dans le fait que je passe justement de l’idéalisation d’une personne à une haine profonde. Aucun milieu. Une impossibilité de travailler dans les nuances de gris… ou de couleurs. J’aime les gens aussi profondément que je peux les haïr quand il y aura trahison. Aussi, trahir mes amis sera aussi tragique, voir plus, que me trahir moi. J’aime croire que je suis plus forte que les autres. Je n’ai pas besoin de protection moi. J’en ai vu. J’en ai traverser… Et je suis encore là…

Quoi qu’il en soit, je l’ai hais profondément, comme personne n’a pu se faire haïr. Si j’ai pu penser que je préférais mourir que ne plus être avec lui, aujourd’hui je préférerais mourir qu’être une autre seconde dans sa main. J’appréhende la possibilité de devoir témoigner en cour. J’appréhende le fait de le voir un jour sur le même chemin. Encore pire, il pourrait habiter le même quartier. Surtout qu’il n’a plus de conditions à respecter… du moins jusqu’à ce qu’il passe en cour.

J’espère qu’il sera encore égoïste et manipulateur. S’il y a assez de preuves, et que l’avocat lui conseille de plaider coupable pour une plus petite peine, je n’aurai pas à témoigner. Ça sera derrière moi, la société s’occupera de la suite.

Même si en dedans, tout ce que je souhaite c’est de le ridiculiser dans le seul « talent » par lequel il se définit. Surtout qu’il faisait tout pour m’enlever la motivation à aussi faire ce métier. J’aimerais lui lancer au visage comment j’ai pu me relever de lui. Faire mieux que lui.

Parce que je suis une battante. Parce que je me sens plus vivante que j’ai jamais pu l’être. Plus près du bonheur qu’il ne pourra jamais l’être à détruire systématiquement tout ce qu’il touche.

J’ai gagné contre lui.

Il me reste seulement à gagner contre moi-même. Et j’avance.

Je ne prends plus d’énergie à l’haïr. Je garde ça pour moi. Personne d’autre ne le mérite.

Journal 5

Je n’ai pas écrit depuis longtemps. Il faut quand même avouer que j’avais beaucoup à lire et à écrire avec l’université. Mais c’est fini. J’ai dû abandonner à cause de lui. Il m’a tellement vidée. Il a tout pris jusqu’à se trouver une autre fille pour faire son parasite. Oui, tout le monde avait vu son manège. Je l’avais vu aussi, mais je ne l’acceptais pas.

Il m’a tenu entre 2 personnages de lui-même. Un que j’adorais. Plein de potentiel. Celui que j’étais prête à aider. L’autre personne était profondément méchante et faisait exprès de me rendre folle… d’utiliser mon trouble… me discréditer envers moi-même et envers les autres. J’en était venue à me croire folle. En plus, j’en ai le diagnostic.

Un jour il me disait que la seule chose qui faisait qu’il restait était qu’il n’avait pas encore trouvé un autre endroit. Quelques minutes après, il disait que c’est mêmes paroles étaient seulement dite par frustration. La vérité était bel et bien là.

Il rentrait plusieurs heures après la fermeture des bars, voir pas du tout. Il devenait agressif si je demandais candidement ce qu’il faisait de ses journées.

J’étais une accompagnatrice de ses temps perdus. Pourtant, c’était moi la mauvaise blonde. Je ne l’aidais pas assez. Parce que non, évidemment, se rendre pratiquement à la faillite pour supporter le fait qu’il ne travaille jamais ce n’est pas encore assez. Parce que bon, il a travaillé 4 mois sur 14. Le reste du temps, il faisait du tatouage rarement, dont le revenu servait presque exclusivement à sa consommation de bière, de cigarette, et de drogue.

Puis, j’ai découvert qu’il me volait.

Pendant ce tout ce temps-là, il se frustrait de ma complète instabilité mentale.

La distance de mon corps – Le grand plaisir qui détruit

Impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (par exemple : dépenses excessives, sexualité, toxicomanie, alcoolisme, jeu pathologique, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie ou d’anorexie) ;

Ma sexualité a toujours été compliquée. Je suis passée du mouton noir, de la personne à ne jamais toucher, à être désirée et parfois me sentir désirable. Encore, je ne le crois pas vraiment. Si mes copains ont toujours été assez jaloux, disant que je me fais beaucoup regarder, moi je ne le vois même pas. J’ai l’impression d’être invisible, que je sois célibataire ou non.

Le problème, c’est que ma sexualité est devenue un outil et une finition. J’utilise ma sexualité comme appât, comme arme, comme vengeance… Mais elle aussi d’une importance capitale envers moi-même, car elle est maitresse de mon humeur. Et elle ne peut pas toujours être satisfaite de l’activité individuelle. Même qu’après un certain temps, la masturbation en elle-même peut devenir très frustrante. Un peu comme un régime devient très difficile à vivre quand on n’a pas le droit à un peu de triche.

Ce que la majorité du monde, même mon médecin, a de la difficulté à comprendre, c’est que l’envie finit par devenir physique et vraiment intense. J’ai l’impression d’être dans une famine de sexe. Mon corps se retrouve centré sur mon vagin, comme il se retrouve centré sur l’estomac quand on a faim. Évidemment, l’esprit devient aussi obsessif face au problème. Et dans certains cas, j’aurai beau prendre n’importe quelle médication pour dormir, je n’y arriverai pas, ou bien je passerai une nuit à rêver de façon compulsive à seulement ce sujet.

Cette obsession sexuelle est assez facile à expliquer pour moi. Ma vie amoureuse et sexuelle se définit par une inexistence non choisie et douloureuse, ou par divers scénarios où l’on a profité de moi. J’ai rarement eu une sexualité POUR moi.

Parce que durant toute ma vie on m’a diminué à être laide, grosse… d’aucune valeur… qu’on m’a ostracisée au point où je ne pouvais m’imaginer avoir un peu d’attention masculine… j’ai fini par prendre n’importe quelle attention qui pouvait passer… et certainement pas imaginer que ceux dont moi je voulais, voudraient bien de moi.

J’ai été violée, abusée, utilisée. Et ça n’a jamais eu de lien causal avec la présence ou non d’amour, comme certains pourraient le penser. C’est plutôt en lien direct avec le respect. Une histoire d’un soir peut donner plus de respect qu’un conjoint de longue date. La police peut nous sortir pour notre sécurité d’une relation de longue date, et on peut créer une belle histoire d’amour sur une histoire d’une nuit.

Avant ma première relation, je n’étais pas tant sexuelle. Dans ma famille, nous ne sommes pas vraiment prudes, et les relations sexuelles ne sont pas le mal incarné. Par contre, avant mon premier amoureux, je ne me touchais même pas, et je n’avais pas une envie particulière de faire quoi que ce soit de sexuel. À ce moment-là, je voulais simplement vivre comme tout le monde les petites « amourettes » adolescentes. Découvrir, au même rythme que les autres, chaque étape des relations amoureuses.

Les premières fois ont été relativement agréables, puisque je ne connaissais pas mieux. À ma fête, par contre, S. me réservait le double de son 5 minutes habituel. Pour des raisons que j’ignore, j’avais de grosses douleurs vaginales ce soir-là. Je lui ai dit. J’ai tenté de le pousser, mais je n’avais pas assez de force. Je n’ai pas crié… je ne voulais pas réveiller la maison. Mais lui, il le savait. Lui, je lui disais. Il a continué tout de même. Je ne pouvais pas être plus contente qu’il soit précoce. Au moins ça n’avait pas trop duré.

Quand j’ai vu mon médecin, j’avais des crevasses, elle m’a dit. Il m’avait blessé par en dedans, mes deux dedans. Ça a duré quelques années… « Heureusement », j’étais encore une intouchable pour les gens.

Quand les autres lui ont dit pourquoi je le laissais, soit cet épisode d’abus, il disait qu’il ne savait pas de quoi je parlais. Je ne sais pas s’il est idiot à ce point, ou s’il ne veut pas qu’on pense cela de lui. En plus, mes parents considèrent qu’il a pu simplement faire une erreur de jeunesse. Ça m’a beaucoup blessée puisque ça m’a donné l’impression que sentiments n’étaient pas valides. Qu’on pouvait détruire mes deux dedans, et que ce soit une simple erreur. Que j’étais jetable. Je ne crois pas que ce soit pour mal faire, mais ça a fait mal tout de même.

J’ai eu une bonne relation, avec une bonne personne. J’étais dure sur lui. On a pu rester ami, très pratique puisqu’on partageait le même cours.

Ensuite, J. s’est intéressé à moi. Il me demandait si j’étais la fille aux cheveux rouges du bar, la veille. Et que même si je ne l’étais pas qu’on pourrait se rencontrer. Je suis allée à ce rendez-vous, un couteau dans les bottes. Au cas. Ce n’est pas ce soir-là qu’il m’a violé.

Après sa prise de poids massive durant la deuxième année, soit 125 lbs, aussi l’équivalent de mon propre poids, je n’avais plus envie de lui. J’avais par contre toujours autant envie de sexe. Mais, parce que je suis une personne qui croit en la fidélité, je me suis mise à me masturber sans arrêt plutôt qu’aller voir ailleurs. Il s’est mis à se plaindre que je ne faisais plus rien avec lui, mais que j’avais tout de même envie de sexe. La suite fut un mélange d’agressivité envers moi pour ces raisons, et de la manipulation. Si je l’aimais, j’allais le désirer, quel que soit son corps… même si pour lui, si j’avais pris proportionnellement autant de poids de mon côté, ça aurait été une bonne raison de me laisser.

Donc, je devais faire mon devoir conjugal. Je devais lui prouver mon amour, même si je vivais notre relation de couple dans la peur, sans passion, sans intérêt. Et il me le demandait, de plus en plus manipulant, jusqu’à mon changement d’idées. Je faisais du sexe dans le dégoût et dans un sentiment de débarras.

La pire fois, et celle dont le souvenir est le moins flou… j’étais dans la chambre d’amis chez mes parents, et j’avais encore une fois dit oui pour qu’il me foute la paix. Moi, la nymphomane, je me regardais me faire abuser, dans les grandes portes-miroirs de la chambre. J’étais aussi lubrifiée que le Sahara. J’avais mal dans le vagin, je m’en voulais d’avoir accepté, et je lui en voulais de m’avoir réduit à ça.

Et dans toute cette année de viols conjugaux hebdomadaires, j’avais l’impression que j’étais le problème. Il avait réussi à me le faire croire. Je suis allée voir un médecin au sujet de ma lubrification devenue inexistante, qui me disait que je n’avais probablement pas assez de désir, et je lui répondais que ce n’était pas le problème, tellement j’essayais que ce ne le soit pas.

Quand je suis sortie de cette relation-là, je voulais au plus profond de moi me libérer sexuellement. Je voulais tellement vivre enfin une sexualité dont j’avais envie. Je voulais essayer avec une fille. Je m’en veux encore d’avoir oublié le numéro de cette belle brune que j’avais rencontré par des connaissances. Nous étions toutes deux intéressées à l’autre, et une de ses amies m’avait poussé à faire le premier pas. Elle était trop fatiguée ce soir-là, et devait absolument enlever ses verres de contact dans un court délai. On le voyait nous-mêmes par le rouge de ses yeux. Elle m’a donné son numéro. Malheureusement, je ne l’avais pas bien enregistré. La seconde fois qu’on se voyait, elle fréquentait régulièrement un homme. J’avais manqué ma chance, mais je l’avais tout de même séduite, ce qui avait fait du bien à mon estime.

Je suis sortie à plusieurs reprises, seule, dans le quartier gai, à la recherche de cette nouvelle expérience. Je suis malheureusement peu confiante et j’ai donc beaucoup de difficultés avec les premiers pas. Je suis déménagée en région avant de trouver cette expérience.

L’expérience d’une fille est toujours ma première recherche à chaque période de célibat. Mais elle est aussi la moins probable dans une petite ville. J’ai donc plutôt enchaîné les courtes relations avec les hommes.

Durant quelques mois, j’ai fréquenté un homme qui exigeait de moi dès le premier soir la totale fidélité, mais qui après six mois ne voulait surtout pas franchir le pas de m’appeler « sa blonde ». Il m’aurait laissé une semaine plus tôt, mais j’ai souffert d’une « gastro ». Puisque cela incluait des maux de coeur et des vomissements, il a eu peur d’une grossesse. Il m’a fait passer un test à la maison (acheté avant même d’arriver chez moi), et est entré au triage à l’urgence avec moi pour demander qu’un test de grossesse sanguin soit effectué. La semaine suivante, il me disait par Facebook qu’il allait me ramener ma clé, que c’était terminé. C’était la deuxième fois qu’il me l’annonçait sans me voir. La première fois, il m’avait beaucoup surprise, puisque deux minutes avant, il m’envoyait son adresse pour que je le rejoigne après le travail. Nous nous étions réconciliés après que je me sois tout de même dirigée vers chez lui, pour simplement l’entendre en face. Le fait qu’on me l’annonce de cette façon me faisait me sentir comme une moins que rien. Je ne méritais même pas qu’on prenne un moment pour me le dire en face.

Quand il m’a finalement ramené ma clé, j’avais souffert toute ma peine à la suite de ses messages. J’étais froide, je le haïssais. Je le haïssais d’être entré dans ma chambre pendant que j’étais à la salle de bain, quand nous n’étions plus ensemble. Mon INTIMITÉ. Je le haïssais d’avoir agi de la sorte durant sa peur d’une grossesse. Il s’était gardé mon corps pour lui quand il allait le jeter et le savait.

Et suite à cela, je ne cherchais plus rien. Ça allait arriver, ou pas. À chaque fois, je ne cherchais pas l’amour, je cherchais simplement le plaisir sexuel. Mais eux, ils me demandaient de cesser le condom, de me faire tester… d’être fidèle. Pour moi, c’était une grosse forme d’engagement. Pour eux, ils ne me demandaient rien et n’avaient donc rien à me donner en retour.

Je n’avais pas de problèmes à avoir plusieurs partenaires selon les soirs, toujours en rapports protégés, ce qui demandait peu d’attention pour chaque homme individuellement. Mais du moment où on me demande d’être fidèle, il me faut une grande attention pour être satisfaite. Il faut se voir, pour baiser! C’était comme demandé à un obèse de ne manger que la nourriture qu’on lui fait, et de le voir qu’une ou deux fois par semaine.

Et j’en ai fait, des choses, pour leur plaire. Je me suis fait faire des cunnilingus une fraction de fois comparée aux pénis que j’ai sucés pour leur attention. En fait le seul vraiment intéressé à me redonner ce plaisir, et même en faire une importance capitale, est presque le seul à l’avoir fait. Une bonne personne dans un tas de personnes qui demandaient sans donner.

J’ai donné mon attention, j’ai donné ma personne. J’ai fait tout ce qu’ils pouvaient demander au lit. J’ai accepté de ne pas utiliser de condoms quand j’aurais dû l’exiger. Heureusement, je m’en suis bien tirée, mais je le regrette amèrement. Je regrette surtout qu’on aie pu m’imposer ça, que je me sois laissée faire.

J’ai envoyé des photos de moi en petite tenue à des hommes qui n’étaient pas dignes de confiance, ou qui simplement ne méritaient pas que je leur en donne autant, pour la réciprocité inexistante.

T. réagissait mal si je ne lui répondais pas après cinq minutes. Même si je lui avais dit avoir un cours ou quelque chose, et que je ne pourrais justement pas répondre. Et un soir, pendant le sexe, j’ai commencé mes menstruations. Je n’y voyais pas un gros problème. Mais lui, vraiment. D’un seul coup, il était devenu froid. Je me sentais sale. Vraiment horrible. Après cela, il s’est mis à m’éviter. Le problème, ce n’était pas la fréquence, mais le changement de fréquence. Plusieurs jours sans nouvelles, quand j’en avais presque aux heures. Pendant ce temps-là, il contrôlait encore ma sexualité en ne voulant plus de moi, mais en ne me le disant pas. Au moins, s’il ne voulait plus rien, qu’il me le dise pour que je puisse trouver de nouveaux fournisseurs.

Un autre m’a demandé toute la semaine, vraiment de façon obsessive, que j’aille me faire tester à la clinique, et qu’on enlève le condom. Au bout de la semaine, soudainement, il voulait qu’on soit amis avec bénéfices, qu’il puisse aller voir ailleurs. Ce n’est pas que je tienne à la fidélité, c’est que ça se ressent comme un abandon, comme si on devait moindre.

Et chacun de ces hommes, individuellement, n’ont pas été plus méchants l’un que l’autre. Ils ont mal agi certes, mais c’est surtout l’accumulation. Je ne valais pas grand-chose, s’ils agissaient tous ainsi. Je me sentais comme une moins que rien, sale, grosse, laide… tout. Et j’ai fini par me punir, par vouloir revenir au monde réel. Ils pensent que je me coupais pour chacun d’eux individuellement, mais c<n’était pas accumulation.

Je valais quelque chose, quand je me sexualisais. Sinon, on ne me regardait pas. Mais je vivais bien avec ça, tant qu’on ne m’en demandait pas plus que ce qu’on est prêt à faire. Si on veut mon exclusivité, on doit faire un bout de chemin aussi. Et vu que personne ne veut de moi pour une relation, ce n’est certainement pas moi qui vais les convaincre d’essayer. Je suis bien à échanger d’homme plus souvent que mes draps.

Jusqu’à ce que ça devienne sérieux avec lui.

Il y avait longtemps qu’une personne m’avait plu comme ça sur le coup… depuis elle, dont j’avais perdu le numéro. Lui, il était là, avec son manteau de cuir, ses cheveux bleus, son attirail cousu au fil dentaire, les vieilles bottes moins percées que son visage, et ses lunettes qui lui donnait un air intello. Je le voulais juste dans mon lit, à ce moment-là, mais maudit que je le voulais. Mon courage n’a jamais été assez grand, et un ami qui le connaissait de vue nous a présentés. On s’est connu le temps d’une nuit, et il est parti. Je l’aurais revu de la même façon plusieurs fois, mais ça m’allait. On ne s’était rien promis, et on ne s’était rien demandé.

Entre temps, D. a refait des siennes. Lui que j’avais vu de façon très désordonnée. Prendre ce que je lui donnais, même si je lui avais expliqué que je ne voulais pas le faire dans le vide, pour lui ce n’était pas profité de moi. J’avais fait mon deuil, il est revenu faire du mal. Parce que voyez-vous, il avait besoin d’annoncer que j’étais une folle à chaque fois qu’il prenait des fausses nouvelles pour bien paraître. À chaque fois il disait qu’il n’allait jamais me reparler.

Et il y en a eu d’autres. Jusqu’à ce que je revois N. Et je n’ai plus revu personne d’autre que N.

La réalité, c’est qu’en ayant eu aussi peu de respect de la part de divers acteurs sexuels de ma vie, j’en suis venue à diminuer mon corps. À lui enlever sa valeur. Sa valeur, elle est purement utilitaire. Pour moi, et pour avoir ce que je veux.

Il faut comprendre… si mon corps ne vaut rien, on ne m’a rien volé. Et s’il ne vaut rien, à quoi bon mettre des efforts pour le protéger. Le problème, c’est que mon copain, lui, en voit la valeur. Autant ça fait du bien que quelqu’un y attache une importance, autant ça me met dans une prison… et que ça me donne une arme.

Je n’ai pas le contrôle sur beaucoup de choses de moi. Je suis comme un volcan prêt à exploser en tout temps. Mais j’ai le contrôle sur mon corps. Mon corps qui ne vaut rien, mon corps qui vaut quelque chose pour lui. Ce n’est pas une bonne balance de pouvoir, mais la personne que je suis en dissociation ne cherche pas à agit sainement. Elle cherche à faire mal, parce qu’elle a mal. À crier parce qu’elle pense qu’on ne l’écoute pas. Elle veut que quelqu’un la voie. Que quelqu’un vienne l’utiliser, parce qu’au moins là, elle existerait, elle ne serait pas seule, elle n’aurait pas à écouter son vide.

Ce qu me détruit, c’est le retour à moi-même. Je me réveille au beau milieu d’un fouillis que je ne comprends pas. Quelqu’un m’a montré, quelqu’un m’a coupé, quelqu’un m’a donné ce mal de tête. Quelqu’un m’a fait perdre une personne, une occasion, ou juste ma tête.

Et même cette personne-là, contrairement à plusieurs personnes partageant mon trouble, elle a beau ne pas avoir de grande gêne en se vengeant par sa propre nudité, elle a tout de même aucune notion d’infidélité. Si elle veut aller ailleurs, elle va s’arranger pour être célibataire. Elle va tout détruire, tout saboter, mais elle va être libre. Mais N. ne me croit pas. Parce que je ne ferais pas vœu de célibat de façon régulière pour la paie dans le Nord. Parce que je ne me rendrais pas malheureuse la moitié du temps pour de l’argent. Parce que je le sais que je serais malheureuse. Je l’ai assez été, je le suis encore trop, et je ne me sens pas sortie du bois… aussi bien ne pas faire exprès.

Et au fond, le problème, c’est que je me demande si un jour ça sera différent. Si un jour je ferai autre chose que choisir toujours le plus petit des malheurs. Si un jour je réussirai à être bien. Et c’est là que je me demande si ça vaut la peine de continuer.

La distance de mon corps – La bataille contre la nourriture

On a toujours ri de mon corps. De mes cheveux trop longs, mal coiffés. De mes yeux ornés de trop de mascara même quand je n’en ai pas. De mon nez un peu croche et de sa façon de saigner dans les mauvais moments. De mes seins beaucoup trop gros trop tôt. De mon corps gras même par des plus grosses… D’ailleurs, étonnant que je n’aie pas fait d’anorexie ou de boulimie avant plusieurs années.

Impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (par exemple : dépenses excessives, sexualité, toxicomanie, alcoolisme, jeu pathologique, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie ou d’anorexie) ;

Je me punis par la nourriture. Si j’ai mal agi, que j’ai encore détruit quelque chose autour de moi, je ne mérite pas de me nourrir.

Le problème principal, c’est que ça paie. Parce que bon, je me trouve grosse. Je ne suis pas parfaitement mince, vous savez… Donc, je suis grosse. Je ne sais pas quel poids ou quelles mesures je veux atteindre. Je le saurai bien, j’imagine, quand je l’atteindrai. Tout ce que je veux, c’est ce petit ventre plat qui me permettra d’acheter n’importe quel vêtement sans avoir de petit gras qui dépasse. Je veux qu’on me regarde, je veux pouvoir me sentir bien dans ces vêtements sexy qui me feront être regardée.

Et donc, quand je me punis en m’empêchant de manger, j’ai des résultats qui me plaisent dans le miroir, ce qui pousse à continuer. En plus, à un moment donné, on s’habitue à la sensation de faim. On sait qu’elle vient, qu’elle s’en va, et qu’on s’en remet. Alors on prend de mauvaises habitudes. Je peux perdre plus d’une dizaine de livres en deux ou trois semaines en ne bougeant pas plus.

Le pire, c’est lorsque les attaques d’anxiété s’en mêlent et que j’ai de gros maux de coeur. Dans ces moments-là, je suis même dégoutée de manger.

Et vient l’épisode contraire. Si à un moment, je considère que tout est perdu, que je n’aurai jamais le potentiel d’être bien dans mon corps, je mange tout ce que je peux. Et j’ai des envies de sucré énormes. J’ai rarement envie de choses spécifiques de type « poutine », hamburger, frites, etc. Par contre, des envies de bonbons, de milkshake, de smoothies… oh là là! Le docteur m’a d’ailleurs dit de faire attention à mon taux de sucre : rien d’alarmant, mais de le surveiller. J’ai malheureusement trop d’autres choses à penser avant de me mettre une autre source de malheur dans les pattes. Alors, quand j’ai faim, je mangerai!

Et là ça revient. Après avoir tant mangé, oh que j’ai du poids à perdre encore. Bon, la famine ne m’a jamais tant fait de mal. Je grignoterai ici et là, question de faire croire aux gens que je me nourris. Question de perdre du poids sans mourir. Si j’ai à me suicider, je vais prendre un moyen beaucoup plus rapide et sûr que celui-là.

Mais je dois perdre du poids, je me sens tellement grosse!

Je ne suis pas anorexique, ça, c’est clair. Comme vous pouvez le voir, je suis bipolaire de mon alimentation. Je ne me fais pas vomir, je me mets en famine. Et je recommence à manger dans l’excès par la suite.

L’histoire de mes problèmes alimentaires a commencé au début de mon âge adulte. Puisqu’à l’adolescence, je me suis mise à prendre mon personnage masculin et fort, j’ai aussi cessé de vouloir séduire. À ce moment, j’étais laide, grosse, et la risée de l’école alors pourquoi faire un effort?

C’est donc plutôt lorsque je suis arrivée au CÉGEP que j’ai tenté de revenir sur la scène des relations hommes femmes, et que mes problèmes d’estime ont débuté. À ce moment-là, ça devenait important d’être belle et mince. De pouvoir séduire, de me sentir belle.

Durant une période, j’ai été presque végétarienne, me gardant un repas de poisson par semaine. Puisque mon corps rejette le fer à la place de le garder et de l’utiliser, j’ai besoin d’en consommer de grandes quantités, d’où ma journée de « triche ». Quoi qu’il en soit, j’ai perdu une bonne dizaine de livres sans effort durant cette période.

Lorsque je suis retournée à l’alimentation omnivore, j’ai tout de même tenu à maintenir la perte de poids. Mon conjoint de l’époque était selon les dires une personne qui avait des « pitounes » comme ex-blondes, et je trouvais ça important de me maintenir à ce standard par plein de choses. Pour cette section, je ne parlerai que de celui du poids. Il était devenu important que j’en perde, ou au moins que je reste au point où j’en étais quand je l’avais connu. Lui, pourtant, passa de 180 livres à 310 livres. Moment d’ailleurs où la balance de mon père lui annonça « erreur », plutôt que son poids. Il devenait gros, et moi de moins en moins physiquement attiré. Pourtant, il continuait de référer à d’autres filles plus enrobées en disant que si j’atteignais ce genre de corps, il ne serait plus avec moi.

J’ai donc eu beaucoup de difficultés à garder une estime de moi, mais surtout à garder le contrôle sur mon alimentation, qui fluctuait au même rythme que ses paroles et mon estime.

Par la suite, j’ai passé plus d’un an en abstinence non volontaire. Je me suis abonnée à un gym local, et au départ, j’y allais régulièrement. Mon corps s’est grandement amélioré tant en apparence qu’en performance. Ça a duré une bonne année, mais ma fatigue émotionnelle m’a rattrapée à la deuxième. J’y allais de moins en moins souvent, je mangeais de moins en moins, j’étais malade de plus en plus souvent… donc j’allais au gym encore moins souvent. J’ai payé pour une bonne année de quasi-absence.

Durant les six mois qui ont précédé ma relation courante, j’ai eu plusieurs aventures, mais à chaque fin, la confiance prenait un coup. Je ne pouvais pas contrôler grand-chose, particulièrement mon état mental. Celui-là, j’allais le « faker ». Mais mon corps, lui, je pouvais le modeler. J’allais être un objet sexuel, au moins. Si je ne peux pas être une blonde potentielle, je vais au moins orgasmer. C’est bien le seul plaisir qui me donne encore un moment de répit de ma tête, de moi-même, et qui ne coûte rien.

Et puisque je tiens à quand même coucher avec du mâle de belle apparence, d’être allumée, je dois faire en sorte que mon corps soit attrayant. Je dois être mince, avoir un look sexy et donc m’habiller en conséquence. Je dois faire attention à mes cheveux, à mon maquillage. Je suis rendue bonne dans tout ça en plus! J’ai appris à faire de beaux cat eyes symétriques, coiffer mes cheveux, j’ai maintenant des robes… et je n’ai même plus faim quand je ne mange pas…

Être un homme, c’est fort

Si en entrant au secondaire, j’avais grand espoir de changement, j’ai vite compris que ça n’arriverait pas. Je ne me souviens même pas de tous les efforts que j’avais tentés de mettre pour tant rentrer dans la foule et qu’ensuite pouvoir y être remarquée… juste assez différente pour attirer l’œil, mais encore assez pareille pour éviter de me faire insulter à chaque pas public.

Par contre, au bout d’un moment, j’ai laissé tomber. Ça n’arriverait pas. Donc, autant passer inaperçu… ou même, leur faire peur.

Je me suis donc masculinisée, au point de me faire appeler « Monsieur ». Je me faisais écouter de gars beaucoup plus grands et costauds que moi. Pourtant, je n’ai jamais eu à être violente. J’avais assez L’AIR confiante, en contrôle. Je me suis mise à être le plus loin possible de ce que la société voulait de moi. Les friperies étaient des mines de trésors pour s’habiller à faire peur aux vieilles dames. Les piercings s’ajoutaient moins vite que je l’aurais voulu, puisqu’il fallait l’accord parental. Mes cheveux naturels n’ont pas été vus depuis mes 14 ans.

Et je marchais avec l’attitude pour tasser les gens de mon chemin. Une amie m’a dit par la suite que j’avais un regard assassin.

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a un peu de vrai dans tout ça. Ces gens là m’avaient fait tellement de mal, que je me serais réjoui de leur mort. Plusieurs me trouvent cruel quand je dis des choses comme cela. Pourtant, ils m’ont tué par en dedans, et moi je ne leur avais rien fait… j’étais simplement différente.

Je n’aurais jamais atteint le point d’attaquer moi-même, mais ça, je le faisais pour moi. Si j’avais une chance de m’en sortir, ils m’avaient déjà assez détruit la vie, je devais bien me tenir pour ne pas empirer la situation.

Donc, j’ai décidé d’être un gars… fort, indestructible. Et de toute façon, ça ne sert à rien d’essayer d’être féminine. Je serai toujours le mouton noir, alors aussi bien de le faire avec le moindre effort.